L' EPLATTENIER, CHARLES
* 9.10.1874 NEUCHÀTEL, † 7.6.1946 LES-CÔTES-DU-DOUBS
Maler, Zeichner, Skulpteur und Architekt.
Fils de paysans, Charles L’Eplattenier entre en 1887 en apprentissage chez un peintre en bâtiment à Peseux. Encouragé par celui-ci à prendre des cours de dessin, il débute chez l’aquarelliste Paul Bouvier à Neuchâtel. Il se montre compétent et passionné; il est alors envoyé chez sa tante à Budapest où il fréquente l’Ecole d’art décoratif de 1890 à 1893. Grâce à l’obtention d’une bourse d’étude du canton de Neuchâtel, il se rend ensuite à Paris et étudie jusqu’en 1896 à l’Ecole des beaux-arts auprès du peintre académique Luc Olivier Merson. Appelé à l’âge de 23 ans déjà comme professeur de dessin et de composition décorative à l’Ecole d’art de La Chaux-de-Fonds, dont il assumera bientôt la direction de 1903 à 1914, il mène de front une double carrière d’artiste et d’enseignant. Après sa démission de l’Ecole d’art en 1914, il poursuit son œuvre, réalisant notamment de nombreuses commandes. En 1946, à l’issue d’une journée de peinture en plein air, il est victime d’une chute mortelle dans les rochers du Doubs.
Si Charles L’Eplattenier n’a pas participé aux mouvements d’avant-garde, ses travaux en portent toutefois certaines traces; de même, ils témoignent de l’influence de l’œuvre des grands maîtres Ferdinand Hodler, Puvis de Chavannes et Arnold Böcklin, dont la monumentalité, le pathos et le côté mystérieux et initiatique imprègnent, par exemple, les peintures allégoriques du Crématoire de La Chaux-de-Fonds, réalisées de 1909 à 1912 avec la collaboration d’élèves pour les parties ornementales. A ces sources d’inspiration éclectiques, assimilées et associées de manière personnelle, s’ajoute encore l’art japonais, qui empreint notamment les compositions au pastel de 1912 environ représentant le Doubs.
A la même époque, certains paysages révèlent une facture pointilliste; quant aux motifs cernés de noir, dans Le bain (1911) par exemple, ils évoquent l’art du vitrail et les nabis. Le paysage, de tous les genres pratiqués par le peintre, tient une place de choix dans son œuvre; il révèle à la fois son amour profond de la nature et reflète ses préoccupations stylistiques. Le Jura, le Mont-Racine, le Doubs, le Creux-du-Vent, la Montagne de Boudry sont autant de lieux peints et repeints à différentes saisons, sous différentes lumières.
Jusqu’en 1900 environ, le réalisme domine, puis les couleurs deviennent audacieuses (des rochers roses ou bleus); les styles et les thèmes se côtoient, la facture est pointilliste, fauve le choix des couleurs, pour représenter des personnages aux poses antiques campés devant un paysage des Alpes comme dans Les musiciennes (1907). Par la suite, un style que l’on pourrait qualifier de «réalisme expressif» se développe: la topographie est respectée, les tons sont locaux, mais une application pâteuse et contrastée intensifie leurs rapports. Les commandes publiques tiennent une grande place dans la production de L’Eplattenier: en 1914, il commence la décoration du château de Colombier puis, en 1923, entreprend les mosaïques du Crématoire de La Chaux-de-Fonds, ainsi que les travaux d’architecture du Musée des beaux-arts où il exécute les rampes sculptées du grand escalier, en collaboration avec l’architecte René Chapallaz. Les œuvres de grandes dimensions prévues pour des espaces publics se singularisent par une composition dramatique ou solennelle, parfois pathétique. Des épisodes bibliques ou de l’histoire suisse en constituent l’iconographie; d’autres thèmes sont traités de manière allégorique.
A cette production variée, il faut ajouter des dessins de meubles, des travaux d’orfèvrerie, des affiches, des illustrations, des timbres-poste, des mosaïques et la confection de cartons de tapisseries, ainsi que plusieurs statues commémoratives monumentales, la plus célèbre restant la Sentinelle aux Rangiers (1926, détruite). L’œuvre de L’Eplattenier, aux accents parfois patriotiques et régionalistes, n’inaugure pas de nouvelles voies; ses méthodes d’enseignement, en revanche, sont résolument modernes et novatrices. En effet, professeur hors pair, il a donné un souffle nouveau à l’Ecole d’art de La Chaux-de-Fonds en initiant une réforme basée sur les idées de l’Art nouveau.
Ce mouvement d’ampleur internationale, qui avait débuté en Angleterre alimenté par les théories de John Ruskin et William Morris et dont les productions s’individualisent selon les pays, vise à renouveler les rapports de l’art et de l’industrie et à promouvoir un art apte à répondre aux nouvelles exigences de la société. L’Eplattenier est bien informé sur ce mouvement des arts décoratifs: il connaît la Secession viennoise, le travail de Charles Rennie Mackintosh à Glasgow, les Werkstätten allemands. Il a également utilisé pour son enseignement La méthode de composition ornementale d’Eugène Grasset, La grammaire de l’ornement d’Owen Jones et les écrits de Ruskin et Morris, tous disponibles à la bibliothèque de l’Ecole d’art.
De ce mouvement complexe, il retient plus particulièrement les idées suivantes: le renouvellement des rapports entre l’art et l’artisanat, la technique et l’industrie, la renaissance des arts décoratifs et la valorisation de l’ornement. Il agrée aussi la dimension sociale du travail de l’artiste et accorde une importance primordiale à la nature: son observation permettrait d’en extraire les lois fondamentales, qui régiraient également l’œuvre d’art, et favoriserait conjointement la stylisation de ses formes et l’invention des ornements.
Afin de parvenir à son but, L’Eplattenier crée dans un premier temps, en 1905, le Cours supérieur puis, en 1911, la Nouvelle Section de l’Ecole d’art. Celle-ci stipule une meilleure collaboration entre les différentes disciplines artistiques, axe l’enseignement sur le «métier» et le développement des arts appliqués, et s’efforce d’intégrer la production artistique dans la société et dans la région. Il trouve un allié convaincu en Charles-Edouard Jeanneret futur Le Corbusier (d’abord son élève, il enseigne ensuite à la Nouvelle Section). En 1913, tous deux font partie des membres fondateurs de L’Œuvre, association qui cherche à favoriser la collaboration entre artistes, industriels et commerçants selon le modèle du Werkbund en Allemagne; ils mettent ainsi sur pied un centre d’activité qui profite aux industries de la région.
Ils élaborent ensemble un répertoire de formes ornementales stylisées composé de motifs jurassiens, tel le sapin, qui viennent orner les boîtiers de montres, lesquels leur valurent un diplôme à l’Exposition internationale de Milan en 1906. Malgré son succès – les élèves obtiennent des commandes des entreprises régionales –, la Nouvelle Section est supprimée en 1914 suite à des dissensions; L’Eplattenier démissionne alors de l’Ecole d’art. Cette réforme en faveur de nouveaux rapports entre l’art, l’artisanat et l’industrie et d’un travail artistique (au sens large) adapté aux conditions sociales et économiques du début du XXe siècle – qui trouvera au sein du Bauhaus un accomplissement remarquable – témoigne de l’audace et de la modernité de la pensée de L’Eplattenier.
SIKART Lexikon zur Kunst in der Schweiz
Isabelle Papaloïzos-Aeby, 1998, actualisé 2016 https://www.sikart.ch/kuenstlerinnen.aspx?id=4000061
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