CALAME, ALEXANDRE
* 28.5.1810 Vevey, † 17.3.1864 Menton
Vitazeile Peintre, dessinateur, graveur, lithographe. Paysages de montagne romantiques. Professeur de dessin Tätigkeitsbereiche dessin, lithographie, peinture, gravure Lexikonartikel C’est en 1824 que la famille d’Alexandre Calame, très pauvre, s’installe à Genève. L’enfant a perdu un œil à dix ans dans un accident. Son père, Samuel-David Calame-Rosset, marbrier, meurt en 1826 en laissant des dettes, et le jeune Alexandre, pour les régler, colorie des estampes pour les touristes et travaille comme commis chez l’agent de change Diodati. Celui-ci, avisé du talent du jeune homme, lui offre des leçons chez le peintre François Diday dès 1829. En 1834, il épouse Amélie Müntz-Berger, élève de Franz Liszt. Renonçant à colorier des estampes, il ouvre son propre atelier où il donne des cours de dessin. La même année, il expose au Musée Rath à Genève et à Berlin. En 1835, il effectue son premier voyage dans l’Oberland bernois et y exécute des études de la Handeck commandées par Catherine Isabella Osborne. À partir de cette époque, il passe presque tous ses étés, avec ou sans élèves, dans les Alpes. Son défaut au pied ne l’empêche pas de faire des randonnées d’où il rapporte des esquisses d’après nature qui serviront à l’élaboration de ses compositions.
Calame expose à Leipzig et à Paris, au Salon, en 1837. Il y découvre l’école française contemporaine. C’est alors qu’il commence à exécuter des lithographies pour le marchand parisien Jean Durand-Ruel. Son nouvel atelier genevois va désormais voir défiler riches clients, aristocrates et élèves provenant de l’Europe entière. En 1838, il voyage en Hollande et s’intéresse surtout aux œuvres de Jakob Van Ruisdael et Meindert Hobbema. À l’occasion de ce voyage, qu’il accomplit en compagnie du peintre Joseph Hornung, il passe par Düsseldorf, vouant de l’admiration à son école de peinture. En 1840, Calame se rend à Zermatt, dans la vallée d’Ansasca, au lac Majeur et au lac de Côme. Cette même année, il expose à Londres. En 1843, après la mort de deux premiers fils en bas âge, naît Arthur, qui sera également peintre. En 1844, il visite l’Italie (notamment Naples, Sorrente, Amalfi, Salerne, Paestum, Rome et Florence) avec huit élèves parmi lesquels Gustave Castan, Jean-Philippe George et Étienne Duval. Sa production italienne sera très limitée, l’artiste ayant failli mourir d’une dysenterie à Naples. En 1845, Calame est invité, avec Gustave Castan, à se rendre au glacier de l’Aar par le glaciologue Louis Agassiz. Affecté par une fièvre violente, il abandonne l’entreprise et renonce désormais aux hautes Alpes. En 1846, il voyage en Belgique et en Hollande, où résident ses meilleurs marchands. La mort de sa fille Valérie en 1849 assombrit encore son caractère quelque peu dépressif et éprouvé par les deuils. En 1850, il voyage à Londres. En 1852, il se rend avec John Revilliod, ami fidèle et protecteur, à Cologne, Düsseldorf, Anvers, Bruxelles, Paris; à cette occasion, il rencontre les peintres Carl Friedrich Lessing et Andreas Achenbach. Ce dernier sera le maître de son fils Arthur. En 1854 naît son fils John. La renommée du peintre n’a pas cessé de croître: en 1854, John-Henry Terry entreprend, sous la direction du maître, les lithographies des Œuvres de A. Calame, éditées à Paris. Par ailleurs, le prix record de 15 000 francs-or est atteint par le Lac des Quatre-Cantons, acheté par Napoléon III à l’Exposition universelle de Paris en 1855. La santé délicate de l’artiste l’incite à se rendre dès cette période dans le Midi de la France où il dessine et peint la mer. Le 17 mars 1864, après une pénible maladie de poitrine, Calame meurt à Menton. Peintre célèbre, il reçoit de nombreux prix et distinctions dans toute l’Europe tout au long de sa carrière et est membre de nombreuses Académies, dont celles de Saint-Pétersbourg, Amsterdam, Bruxelles, Milan et Genève. Dès ses débuts, Calame est consacré peintre de la montagne suisse. C’est ainsi qu’en 1836 le Gouvernement bernois acquiert la Vue prise à la Handeck (vers 1836) afin d’inciter les jeunes artistes du pays à développer un art national dont la thématique abandonnerait les ruines et la nature italiennes au profit du paysage alpestre suisse. À cette époque, surtout dans ses dessins, Calame aime à conjuguer l’idylle: ce sont les rives du Léman, la campagne genevoise et savoyarde qu’il représente. Nous trouvons dans les pages de la Nouvelle Héloïse et des Confessions de Jean-Jacques Rousseau toute l’atmosphère de ces feuilles isolées qui aboutiront, plus tard, aux lithographies et autographies des cours de dessin. Ici, il s’agit du côté rassurant du mythe de la nature suisse. On aime quand même à se faire peur, mais le paysage apaisant est derrière l’arbre. Si la montagne et l’abîme sont effrayants, plus bas, une fermette et une barque plate, dans une crique abritée, rassurent. De fragiles palissades protègent ponts et chemins. Le paysage est certes accidenté, mais doux en même temps: l’idylle sert de repoussoir à la solitude. L’étude des anciens maîtres hollandais, bien représentés dans les collections genevoises, porte d’emblée Calame, dans ses tableaux, vers le rendu minutieux des détails et les jeux d’ombre et de lumière. L’Orage à la Handeck (1839) inaugure un genre nouveau où drame et pathos envahissent la nature alpestre: ombres et lumières violentes la font chavirer, les nuages obscurcissent les cimes et les éclairages inattendus les rapprochent; le jeu des diagonales infléchit ou casse les sapins. Les cabanes des idylles pastorales sont détruites par la force des éléments, signe du Dieu des Armées. Le calvinisme ardent de Calame donne un souffle épique et religieux au paysage. Qu’apportera au peintre des Alpes le voyage en Italie qu’il effectue en 1844? Les «lazzaroni» à la Léopold Robert prendront la place des minuscules bergers de montagne, les plans auront une respiration plus ample et l’horizontale fera une apparition triomphale. L’Italie, vue par la lunette de Lorrain et d’après la leçon de Poussin, transmet au peintre une lumière et des tons plus chauds que ceux de ses premières années. La nature italienne est habitée d’architectures et des souvenirs de la campagne romaine sauvage. Les Ruines des temples de Paestum (1847), grandioses, surgissent au milieu des marais. Un temple détruit ou un arbre déraciné témoignent d’une seule force, la force divine à laquelle nature et culture sont obligées de se soumettre. Le gigantesque tableau intitulé Effet de soleil sur les hautes Alpes du Valais en face de la chaîne du Mont Rose (1843-1844) est un précurseur des panoramas. C’est ici la nouveauté de l’horizontale dans la peinture alpestre, un monde minéral sans arbres, l’avènement de la poésie de la montagne la plus haute, la «troisième zone des Alpes» chère à Rodolphe Töpffer, ami de Calame. Dès lors, les orages trouvent leur contrapposto, et aussi une sorte de catharsis, dans la sérénité lamartinienne des lacs, notamment ceux de Thoune ou de Brienz, ou encore le Léman. Par exemple, dans La Dent du Midi et le fond du lac de Vevey (1849), la fraîcheur des tons s’allie à la tendresse de la couleur de l’eau et du ciel vaporeux. Même la chaleur de la moisson, les plaisirs de L’Été (1850) ne seront pas étrangers à Calame. Le paysage est ici déployé majestueusement, tel un largo musical, avec une touche de virtuose qui différencie les premiers plans des blés et suit la ligne mélodique des feuilles des grands chênes. Cimes plus hautes que nature, gouffres profonds, lacs qui évoquent l’abîme forment le noyau de l’œuvre de Calame où l’homme perd toute échelle par rapport à la nature. Les drames des premières compositions sont progressivement dépassés pour atteindre à l’harmonie: œuvres sublimes qui trouvent leur accomplissement dans le Lac des Quatre-Cantons (1855) ou dans les différentes vues du Wetterhorn des dernières années. C’est à cette époque, à partir de 1857, que Calame réalise d’une main rapide une multitude d’études de paysages en plongée ou en contre-plongée de plus en plus audacieuses. Dès lors, on ne peut plus distinguer le peintre du dessinateur. Il a d’ailleurs désigné lui-même certains dessins de grand format comme des «dessins capitaux», comparables à des tableaux d’atelier. Parmi les feuilles de divers formats, rappelons celles exécutées un peu avant, en 1853, dans le Midi de la France. La mobilité atmosphérique du paysage suisse cède la place à la fixité constructive de la lumière du soleil. Le crayon rend admirablement l’ombre dense des pins parasol, le papier bleu lie le ciel à la mer et la gouache blanche fait scintiller les vagues. Repaires de marins, forteresses carrées, villages en terrasses sont rendus de manière très construite comme s’il s’agissait de préfigurations lointaines des Braque et Picasso précubistes. En 1861, au mont Pilate, Calame exécute dans son carnet bleu Gothard 1859 – Pilate 1861, les dessins parmi les plus représentatifs de son art. Les brouillards et les changements atmosphériques subits l’obligent à dessiner très vite. L’ouverture et la fermeture des nuages font songer à un théâtre du sublime, à la précarité du solide envahi par l’informe. Fusain et estompe tour à tour assombrissent ou effacent l’apparition de la cime. L’art de William Turner vient à l’esprit. Certes l’œuvre de Calame suit une certaine évolution et les multiples voyages n’y sont pas étrangers. Toutefois les thèmes et les manières reviennent sans cesse pour aboutir à la polyphonie des études finales. L’un des grands mérites de Calame est d’avoir su assimiler la leçon de Ruisdael, Hobbema et Lorrain et d’avoir revitalisé la peinture de paysage suisse. Sa passion acharnée pour le travail d’après nature, son sens personnel du drame et du souffle métaphysique, une manière picturale fondée sur les contrastes violents et les audaces de cadrage, la virtuosité et la rapidité de la touche font de lui l’un des principaux maîtres du romantisme suisse. La fortune critique de Calame varie selon les époques et les lieux: admiré à ses débuts, accusé ensuite de répéter les mêmes tableaux à des fins commerciales. Son atelier fut désigné comme «la fabrique de Lacs des Quatre-Cantons». Sa notoriété dut beaucoup à la diffusion de son art par de nombreux élèves qui fréquentèrent son atelier: Arnold Böcklin, Arthur Calame, Henry John Terry, Alfredo d’Andrade, Robert Zünd, Nicolas de Kourbatov. Parmi ses clients prestigieux, il faut relever le duc Georges de Mecklembourg-Strelitz, la princesse de Waldenbourg, fille du roi de Prusse, l’impératrice douairière de Russie, le roi Louis-Philippe de France. En son temps décrié par le peintre et historien d’art Henri Delaborde en France, porté aux nues par le peintre Auguste Bachelin en Suisse, étudié avec justesse par Eugène Rambert, admiré par les écrivains Alphonse de Lamartine et Maurice Maeterlinck, Calame connaît de nos jours un renouveau d’intérêt depuis la parution d’un catalogue raisonné et la mise en lumière de ses dessins. Collections institutionnelles (sélection): Bâle, Kunstmuseum; Berne, Kunstmuseum; Genève, Musée d’art et d’histoire; Leipzig, Museum der Bildenden Künste; Neuchâtel, Musée d’art et d’histoire; New York, Metropolitan Museum of Art; Lucerne, Kunstmuseum; Paris, Musée du Louvre; Saint-Pétersbourg, musée de l’Hermitage; Washington D.C., National Gallery of Art.
SIKART Lexikon zur Kunst in der Schweiz
Anker Valentina, 1998, actualisé 2015 ;https://www.sikart.ch/kuenstlerinnen.aspx?id=4000036
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